L'argent

L'argent

Marie Desplechin, Emmanuelle Houdart.- Thierry Magnier 2013

Sylvia invite sa famille, ses amis, au mariage de sa fille Virginie. L'annonce de cet événement secoue les intéressés plutôt éloignés et chacun y va de son monologue dont l'élément récurrent et irritant sera l'argent, révélateur des identités, appartenances, choix de vie, idéaux et triviaux des uns comme des autres. Edward, le frère de Sylvia est un homme richissime, fier capitaliste, méprisant, mais détesté de tous, y compris de ses propres enfants. Bonnie, sa sœur, hackeuse, joue à Robin des Bois avec la fortune des autres, y compris celle de son frère Edward. Sylvia vit modestement, défriche, jardine, récupère, partage, réunit. Franz, le dernier de la fratrie, a choisi l'extrême pauvreté, bouleversant tous les autres. Suit une pléiade de portraits, Dimitri, l'enfant-objet, Arturo, le père du marié, narco-trafiquant, Ernesto le marié, brillant financier qui abandonne tout pour l'amour de Virginie, militante de la décroissance, Camil, le père de la mariée, ouvrier éprouvé, Sofie, la fille venue de l'est grâce à un mariage arrangé, Nana devenue cheffe d'entreprise grâce aux femmes entreprenantes... Tout un monde aux intérêts et motivations finalement plus intriqués les uns aux autres qu'il n'y paraissait au début, se livrent à des réflexions sur leur rapport à l'argent, leur place dans la société et dans la famille, jusqu'au surprenant final où on assiste joyeusement à ces retrouvailles à haut risque.

Après Saltimbanques, Marie Desplechin et Emmanuelle Houdart renouvellent leur fructueuse collaboration avec un album sur l'argent, à n'en pas douter, un sujet passionnant pour la jeunesse. Le monde d'aujourd'hui en est régi, les êtres humains sur toute la planète en sont agis. Offrir d'y réfléchir en modélisant des comportements, des aspirations et leurs interactions, en forme de narration complice, pleine d'humour et d'esprit, d'intention et d'intelligence s'avère parfaitement judicieux. Emmanuelle Houdart dessine toujours des images riches, dont la puissance évocatrice se déploie sur des pages blanches au grand format idéal, où imprimés, objets, figures et attributs symboliques sont autant d'entrées narratives visuelles. A partir de ces images qui sont des mondes, Marie Desplechin dresse des portraits, à la première personne, introspections existentielles et circonstanciées par la perspective du mariage, dessinant avec les mots, souvent joueurs, une histoire familiale composite, autant qu'une vision critique du monde capitaliste globalisé.